vendredi 23 juin 2017

Mondial Master VTT à Andorre: la plus grosse chute de ma vie

Cette semaine nous avons quitté la Bretagne pour rejoindre le site de Vallnord, à Andorre, où avait lieu le championnat du monde Master de VTT XCO, sur quasiment le même parcours que la Coupe du monde élite, qui a lieu le week-end suivant.
Autant dire qu’on espérait y arriver au top de notre forme, suite à plusieurs mois d’entraînements divers et variés, parfois très durs.
Dimanche, après plusieurs heures de route sous une grosse chaleur, on passe par La Massana, où arrive l’épreuve de DH. Il y a des panneaux partout indiquant l’évènement mais plus un seul ensuite pour grimper jusqu’à Vallnord. 
On se pose à mi chemin avec le camping-car et on grimpe se dégourdir les jambes en VTT jusqu’en haut, (2000 mètres tout de même).
On rencontre la championne Karine Temporelli et son mari, qui font une petite reco du parcours: ça semble être costaud!
Le lendemain, on installe le camping-car aux abords du bike park, à côté du California de Pauline Sabin (qui a relevé le défi de venir participer à ce mondial suite à son terrible accident) avec sa petite famille: trop sympa!
Pauline propose une reco du parcours qu’elle connait bien; Romuald (Team Pro Fermeture) et Nicolas Sire (Pays de Loire) se joignent à nous.
La première montée est longue (d’abord sous le soleil, serpentant dans l’herbe) puis dans un sous-bois parsemé de grosses racines.
S’en suit une zone technique avec des cailloux partout. Pauline nous montre la voie, ayant déjà repéré les meilleures trajectoires. Il y a 2 options un peu plus loin: à gauche la partie « coupe du monde »; à droite un chemin plus facile. On teste à gauche pour avoir fait le plus dur.
Ensuite, un peu de roulant avant d’entamer la première descente en terre, avec 2 passerelles trop chouettes (mais qui seront fermées le jour J), des singletracks un peu piégeux avec des racines, avant d’arriver sur une redoutable pente à 24% qui va faire mal!
Cela permet de rejoindre la prairie de départ; on descend en virages, on remonte et on repique dans un sous-bois avec quelques marches avant de grimper à nouveau dans la prairie et de rejoindre le sous-bois.
Là c’est trop sympa avec des grands virages relevés; c’est enivrant ; on a envie de descendre jusqu’en bas mais la flèche fait remonter au travers les arbres. Un peu de D+, des taquets, et on arrive sur la dernière partie du circuit: une passerelle avec une montée raide permet de reprendre de l’élan pour appuyer dans une portion très physique où se trouve la zone technique.
Il y a ensuite une descente un peu technique et virages en épingles pour remonter. On vire à nouveau dans l’herbe, puis on replonge dans le sous-bois assez roulant, dernier taquet à droite et hop c’est le bitume et l’arrivée.
Le parcours me parait plus facile que je ne l’avais imaginé: tout passe sur le vélo; techniquement, ça le fait bien; par contre il sera ultra-physique en course.
On passe ensuite de bons moments avec Pauline, Matthias et leurs enfants, notamment en descendant à la Massana avec les « oeufs » pour retirer nos dossards, sous une chaleur étouffante.
Le lendemain, on réitère avec une autre reco (je commence à ressentir l’effet de l’altitude et je sais qu’il aurait mieux valu dormir en plaine) avant de se préparer pour la course de Phil.
Mais à 15h, un violent orage s’abat sur Vallnord: déluge, éclairs, tonnerre, grêlons, tout y passe!
L’UCI choisit de reporter la course au lendemain à 9h.
Un peu dur pour Phil de remettre ça à plus tard mais c’était plus prudent.

Mercredi matin, à 9h, c’est le départ pour Phil avec 60 masters 40-45!
Cela bouchonne dès la première montée. Phil a fait un départ prudent et remonte tranquillement des places ensuite.


Nicolas Sire (un des meilleurs master 40 français) est dans le top-10 sur son Open.
On voit tout de même beaucoup de tout-suspendus sur la course: presque 50% je dirais…
A côté ça crie dans toutes les langues: « venga, venga! », « hop hop hop !»
Je suis à la zone technique pour assister Phil qui poursuit sa remontée aux alentours du top 25.



Au dernier tour, je commence à m’inquiéter car je ne le vois pas arriver dans la descente de la prairie; les minutes passent; j’ai trop peur qu’il lui soit arrivé quelque chose.
Tout d’un coup je le vois passer en courant à côté de son vélo et entrer dans le sous-bois: problème mécanique! :-(
Jacky Le Port court vers moi me prévenir que c’est une crevaison arrière et me file un sacré coup de main pour démonter la roue de mon Spark afin que je puisse le dépanner.
Hélas il a perdu une bonne quinzaine de places malgré son bon niveau en course à pied. Et comme la crevaison a eu lieu très loin de la zone technique à la descente d’un rocher, c’est 3km qu’il a dû courir!
Il peut terminer la course avec ma roue, grâce à l’efficacité hors pair de Jacky et de 2 autres gars qui nous ont aidés; c’est déjà ça.
Ensuite, j’assiste à une leçon de réparation de haute volée: les 2 gars sus-nommés nous proposent de poser une mèche sur le pneu qui est troué. Ils nous font cela en 2 temps 3 mouvements: double mèche, un peu de terre, on frotte, on secoue le pneu fortement pour que le latex colmate, on regonfle à 3 bars et c’est reparti! Impressionnant!

Phil est déçu forcément, mais il a fait une belle course quand même et prouvé son mental à terminer en courant, faisant même de sacrés temps sur certains segments Strava! :-)
D’ailleurs son genou droit a vrillé dans la descente aux virages relevés. Je le lui remets en place (on connait les mouvements à faire grâce à notre ostéo).

A 11h, on peut dire que le trio de filles Pauline-Karine-Elodie n’est pas vraiment stressé et tape la discute au soleil, tandis que Pauline fait les prévisions météo et nous promet un nouvel orage à 13h, pile pendant notre course.
On se décide ensuite à aller s’échauffer avant de se retrouver sur la ligne de départ: pas moins de 60 filles de 30 ans et plus ont fait le déplacement; du jamais vu en Masters!
Le niveau sera élevé avec par exemple Margarita Fullana, des filles qui couraient en coupe du monde il y a encore 1 ou 2 ans, d’autres championnes nationales, etc…
Les catégories Master 30-39 partent à 12h30; nous suivons à 12h32.
Je fais un départ moyen et entame la première longue côte sans trop forcer pour ne pas me mettre dans le rouge. Par contre niveau souffle, ce n’est pas terrible; je ne supporte décidément pas bien l’altitude.
Karine est avec moi, très forte en montée roulante; je rattrape par contre dans le technique. On alterne nos positions quelques temps, tout en revenant sur des filles devant. On doit être aux environs de la 5ème place de notre catégorie.

  
Je creuse un peu l’écart devant la zone technique et reviens sur une fille qui s’engage à pied dans la descente raide (et ravinée suite aux orages). Je ne réfléchis pas et prends ma trajectoire habituelle, pensant qu’elle va se pousser sur le côté; mais non!!
Et là, c’est le drame: ma roue avant percute son vélo et je termine à terre suite à un magistral « Over The Bar ».
Je reste sonnée quelques instants, la tête dans les genoux. Je sais que j’ai atterri sur le dos puis que ma tête a percuté ma cuisse droite.
J’ai comme une absence; 3 secouristes me demandent si ça va.
Contre toute attente, je réponds oui, je me relève, je remonte sur mon vélo et je repars dans la montée en épingle!
Je sens mon dos qui brûle, mais dans ma tête, je n’entends que la phrase que Jacky a dite ce matin: « on n’abandonne jamais un championnat! ».
Surtout dès le premier tour, ce serait frustrant. Je m’arrête à la zone technique: Phil me remet la selle droite et je repars, bien dans le gaz mais avec des jambes qui pédalent toutes seules.
Je roule « en dedans » le tour suivant, perdant même parfois la notion du temps ou de la situation où je me trouve sur le circuit. Je ne pense plus. Je roule.

 
La pluie tombe maintenant rendant les racines hyper glissantes. Ma vigilance est bien diminuée et je commets quelques fautes. Dans une côte un secouriste me brandit des sortes de lingettes: je le regarde comme s’il venait de la planète Mars, et poursuit mon chemin. J’ignore alors que je saigne du nez et que ce n’est pas beau à voir.
Malgré mon état, j’arrive à remonter des places mais d’autres catégories que la mienne. Les copains m’encouragent; ça fait du bien. On me crie qu’il ne faut pas que je prenne la grande passerelle qui est devenue hyper glissante. Je prends l’échappatoire dessous.
C’est presque la fin de ces 3 tours. Malheureusement, par manque de lucidité, je glisse dans la descente où j’ai lourdement chuté tout à l’heure et me fait à nouveau mal sur le côté droit. Mais c’est la fin; je dois terminer coûte que coûte.
Après environ 1h10 qui m’ont paru hors du temps je finis ce mondial dans un état second, et malgré tout 7ème dans ma catégorie.
A l’arrivée, les secouristes me sautent dessus, même pas le temps de boire.
J’aperçois mon reflet dans un rétroviseur et constate mon nez plein de sang. Bizarre qu’on ne m’ait pas arrêtée avant! :-)
Ensuite, j’ai le droit à des examens: le dos a pris un sacré choc, de même que les cervicales et l’arrière de la tête. J’ai des contusions sur la cuisse droite, des petites blessures sur la jambe et le bras droit.
Les secouristes sont d’une gentillesse incroyable, me parlent, m’expliquent que je vais devoir aller aux urgences mais que ça ne devrait pas être trop grave étant donné que j’ai pu finir la course.
Un dernier au-revoir à Pauline qui a terminé à une belle 5ème place, à Matthias, au site de Vallnord et on me descend en ambulance à l’hôpital d’Andorre. Je suis allongée sur une plaque dure (au cas où il y ait une fracture); ça n’arrange pas les maux de dos.
Je discute avec un des ambulanciers qui essaie de me rassurer.
Sur place, on m’interdit de boire: analyse d’urine, de sang, etc… J’en ai déjà marre. On dirait un contrôle anti-dopage!
L’attente est longue et finalement on m’annonce qu’on doit me poser une perfusion pour me réhydrater (ce qui risquait évidemment d’arriver).
Les radios sont heureusement OK (pas de fracture) mais la prise de sang n’est pas terrible en raison d’un taux d'enzymes CK en forte augmentation, ce qui risque d’abimer mes reins. J’essaie de leur expliquer que le bon sens voudrait qu’ils me laissent boire et manger comme après chaque compétition; rien à faire!
Par contre on me propose des anti-inflammatoires et autres anti-douleurs que je refuse évidemment.
Du coup, ça continue d’empirer malgré la perf’. Je négocie à nouveau et obtiens gain de cause: heureusement car j’étais affamée et assoiffée; résultat, au bout de 2h d’attente supplémentaires, j’ai le bon de sortie. Il est presque minuit: c’est pas trop tôt!
Je me dis que je ne m’en sors pas si mal malgré cette sensation d’avoir été piétinée par un éléphant.
La tête et le dos sont assez douloureux mais cela reste gérable.
Je dois encore passer un scanner car il y a tout de même un traumatisme crânien, et je me suis aperçue en regardant les courbes de mon Garmin, que j'avais en réalité perdu connaissance (1mn45 d'arrêt).
A souligner l’importance du gainage quotidien: ce sont mes muscles dorsaux qui m’ont protégée.
Il faut que je tire maintenant les leçons de cet incident, à savoir: toujours repérer les descentes « à l’aveugle », juste avant la course, pour vérifier qu’elles n’ont pas bougé depuis les recos (cas de l’orage pour nous); prendre les trajectoires alternatives en cas de concurrent à pied devant, voire passer à pied aussi; mieux mesurer les risques…
Je ne sais pas pourquoi j’ai tant tenu à finir l’épreuve mais j’aurais été déçue d’en finir autrement.
Maintenant, place au rétablissement: j’espère avoir suffisamment récupéré pour participer au National VTT FSGT à Guilers et au France VTT à Ploeuc sur Lié.

Un grand merci comme toujours à Stéphane avec qui on travaille pour ces objectifs; je pense que j’étais prête physiquement et techniquement. La chance n’a pas été là, c’est tout.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire